Karnak : le temple avant les temples
Situé sur la rive orientale du Nil, au cœur de la région thébaine, le complexe des temples de Karnak dresse depuis plus de 3500 ans ses murs massifs sur l’horizon égal de la vallée. Pointent toujours vers le ciel ses obélisques de granit, géants de pierre dont la présence témoigne de l’immense prestige de la cité aux cent portes chantée par Homère. Mille cinq cents ans de travaux ininterrompus, de démantèlements, d’agrandissements, d’embellissements auront été nécessaires pour qu’enfin l’œuvre architecturale initiée au tout début du Nouvel Empire, vers 1550 BC sous les règnes des dynastes thoutmosides puis ramessides, n’atteigne sa taille définitive, l’aspect qu’on lui connait aujourd’hui, et qu’Alexandre le Grand lui-même découvrit en installant son autorité sur l’Egypte.
Dans les fondations des édifices et sous les murs épais des bâtiments, se dissimulaient à la vue les restes ancestraux des toutes premières constructions. Pour restituer l’histoire primitive du complexe divin de Karnak, il aura donc fallu sonder le sol, remonter le temps à mesure que la profondeur des sondages archéologiques augmentait. Un mystère malgré tout subsistait : l’emplacement de ces monuments aux blocs éparpillés. Où donc resituer ces édifices alors même que l’on ignorait la position du fleuve il y a plus de 4000 ans ? Les larges plaines alluviales, telles celle de l’Egypte, présentent des morphologies vivantes, changeant d’aspect et d’apparence à la faveur des crues. Retrouver les emplacements successifs du lit du fleuve est donc essentiel.
Grâce à des outils nouveaux et des technologies innovantes autorisant l’intégration d’informations, il est désormais possible de proposer une représentation en 3D du système Nil dans la région thébaine. Pour une longue période de plus d’un demi-millénaire (du règne de Sésostris Ier, vers 1950 BC, au règne d’Amenhotep III, vers 1350 BC), ont même été établis plusieurs scenarii vraisemblables du tracé du fleuve et évaluée la probabilité de positionnement de son cours aux différents règnes. Ainsi progressivement se dessine une réalité antique nouvelle, où des quais et des canaux, des sanctuaires et des colonnades retrouvent une place que rien ne laissait jusque-là envisager. Une page de l’histoire s’écrit : l’histoire d’un milieu, l’histoire d’hommes, et l’histoire d’un dieu, Amon-Rê.
Rosemary LE BOHEC
Professeur associée à l’École Biblique et Archéologique Française de Jérusalem, Rosemary Le Bohec enseigne l’histoire et la topographie de l’Orient Ancien.
Gérard MASSONNAT Fellow d’une grande entreprise, Gérard Massonnat est expert international dans le domaine des géosciences et de la géomodélisation. Auteur de nombreuses publications et détenteurs d’une vingtaine de brevets, il est à l’origine du développement de plusieurs logiciels de modélisation des phénomènes géologiques.
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