Virus émergents: un nouveau défi pour notre région

Publié par Brian Alejandro Castro Agudelo, le 24 mai 2018   3.6k

En 2016, l’actualité médicale a été profondément marquée par les virus Ebola et Zika. Avant ceux-là, les arbovirus véhiculant la dengue et le chikungunya, les coronavirus responsables des Syndromes Respiratoires Aigus Sévères (SRAS-CoV) et des Syndromes Respiratoires du Moyen-Orient (MERS-CoV), ainsi que les nouveaux virus de la grippe ont provoqué des centaines de décès à travers le monde y compris dans les zones métropolitaines. Tous ces agents ont en commun d’être des virus dits émergents, c’est-à-dire des agents pathogènes soit inconnus chez l’homme, soit dont l’épidémiologie a été profondément bouleversée. Dans ce contexte, il est important de noter: a) que 21% des 156 cas de dengue, zika, et chikungunya importés confirmés en France en 2017 l’ont été en région PACA; b) que les premiers cas autochtones de chikungunya ont été recensés en 2010 en région PACA, et c) que le principal vecteur de ces arbovirus, le moustique tigre ou Aedes albopictus, est massivement implanté en région PACA depuis 2004 (voir carte ci-dessous, source: Direction générale de la santé) créant une nouvelle problématique de santé publique régionale.[1]


Il existe deux événements importants dans le cycle de vie des virus : l'incubation et la transmission. L'incubation nécessite un hôte, c'est-à-dire un être vivant capable d'héberger le virus afin qu’il puisse se reproduire dans des conditions naturelles. Ensuite, lorsque le virus a été incubé dans l'hôte, la transmission s'effectue par le biais d'un autre être vivant capable de transporter le virus et de le transmettre à un hôte sain, c'est le vecteur. Par exemple, les primates des forêts tropicales sont des hôtes de choix pour l'incubation de virus, et les vecteurs de transmission les plus communs sont les insectes et en particulier les moustiques qui piquent tour à tour l'hôte sur lequel le virus a été incubé et ensuite un hôte sain, assurant la transmission. Le plus souvent ces cycles de reproduction sont opérants dans des zones éloignées de l'activité humaine. Le problème survient lorsque les humains sont exposés à des vecteurs porteurs du virus. Ces expositions peuvent avoir de multiples origines, en général liées à l'activité humaine, comme par exemple des modifications écologiques telle que la déforestation, l'intensification du transport international de biens et de personnes, ou encore le choix de nos politiques de santé. Heureusement, les virus fraîchement débarqués chez l'homme sont en général peu adaptés à leur nouvel hôte humain, réduisant ainsi drastiquement leur capacité de nuisance, et seule une très petite fraction de ces virus devient problématique pour l'homme, c'est ce qu'on appelle les virus émergents.

Concernant les stratégies de lutte contre les virus émergents, il existe deux grandes approches complémentaires. D'une part il faut surveiller et limiter la prolifération des vecteurs, c'est à dire en France s'attaquer à la prolifération du moustique tigre.[2,3] Bien qu'indispensable, cette approche n'est pas suffisante. D'autre part, il faut donc développer de nouvelles thérapies médicales pour traiter l'infection contre des virus émergents. Dans ce domaine, les solutions viendront de la recherche aux frontières de la biologie, de la pharmacologie et de la chimie.

A l’heure actuelle, le traitement des patients atteints par les virus émergents est limité à l'atténuation symptomatique et aux soins de soutien car il n’existe pas de vaccins ou de thérapies antivirales approuvées, et seuls quelques essais cliniques plus ou moins fructueux ont été réalisés jusqu’ici.[4] Au cours de la dernière décennie, les stratégies permettant d’identifier de nouvelles cibles virales, c’est-à-dire des protéines impliquées dans le cycle de réplication virale au sein de l'hôte, ont permis des avancées significatives mettant clairement la découverte de nouvelles petites molécules organiques pharmacologiquement actives au centre du développement d’approches thérapeutiques innovantes contre les pathologies virales. Ceci a été particulièrement bien illustré par les efforts déployés dans la recherche de médicaments actifs contre le virus de l’hépatite C qui se sont soldés par la mise au point du sofosbuvir introduit sur le marché en 2011 par la société Gilead sous la marque Sovaldi®.[5] Ces résultats particulièrement importants en santé publique incitent les scientifiques à mener un combat similaire pour mettre au point les traitements de demain afin de lutter efficacement contre les virus émergents véhiculés par les moustiques.

Sur la base de ces avancées récentes, l' Institut des Sciences Moléculaires de Marseille (Aix Marseille Université), en partenariat avec les collectivités locales de la Région PACA et ProvePharm, une entreprise de R&D dans le domaine de la santé, ainsi que le soutien du centre de criblage biologique Antiviral Drug Design Platform (Aix Marseille Université), propose la conception rationnelle, la synthèse et l'évaluation de nouvelles petites molécules à visée antivirale pour le traitement des pathologies liées aux virus émergents.

C'est le projet qui m'a été confié pour trois ans à partir de novembre 2017 dans le cadre de mon doctorat à l' Institut des Sciences Moléculaires de Marseille.

Allez la recherche !

[1] http://invs.santepubliquefranc...

[2] Circulaire ministérielle du 3 avril 2018: http://circulaires.legifrance....

[3] Portail de signalement du moustique tigre Aedes albopictus: http://www.signalement-moustiq...

[4] Towards antiviral therapies for treating dengue virus infections. S. J. F. Kaptein, J. Neyts, Curr. Opin. Pharmacol. 2016, 30, 1–7. http://dx.doi.org/10.1016/j.co..

[5] http://www.sovaldi.com/.