Quand les champignons mycorhiziens deviennent un support à l'agriculture de demain
Publié par Olivier BAGARRI, le 11 décembre 2020 1.4k
La lavande (Lavandula angustifolia) et le lavandin (Lavandula hybrida), plantes emblématiques de la Provence, sont aujourd’hui menacés. En cause notamment le phytoplasme du Stolbur, transmis par la cicadelle Hyalesthes obsoletus, insecte vecteur, qui crée des dégâts accentués par les sécheresses à répétition. Face à cette situation, des alternatives voient le jour. C’est le cas du projet Mycolav qui a fait de la mycorhization contrôlée (association symbiotique d'un champignon et d'une racine de plante supérieure) son cheval de bataille. Principe de cette expérimentation : inoculer au système racinaire des plantes, des souches indigènes de champignons microscopiques, grands acteurs de la fertilité des sols, appelés champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA).
Caractériser les CMA naturellement présents dans les racines de lavande et lavandin
L’une des étapes clés de ce travail a consisté à étudier les caractéristiques des CMA associées aux racines de la lavande et du lavandin en particulier leur diversité (richesse et abondance), leur composition, leur densité ainsi que les facteurs prépondérants qui influencent le développement de cette communauté mycorhizienne. L’étude a été réalisée à l'échelle de parcelles cultivées sur les plateaux d’Albion et de Valensole et a porté sur la lavande et le lavandin sains ou malades cultivés selon le mode d’agriculture biologique ou conventionnelle.
Les CMA répondent différemment selon l’état de santé des plantes sur le terrain.
Cette étude montre clairement que l'état de santé des plantes influence le développement de la symbiose mycorhizienne et peut influencer la diversité et la composition des communautés des CMA racinaires.
Pour la lavande, il a été observé que l’état de santé de la plante a un impact important sur les CMA. Cela se traduit par un développement plus important de la symbiose mycorhizienne chez la plante saine indépendamment du mode de pratique culturale. Par ailleurs, une augmentation de la diversité et une composition différente des CMA en termes d’espèces a été constatée en mode de pratique conventionnelle.
Chez le lavandin, en revanche, la symbiose mycorhizienne répond mais de façon moins importante à l’état de santé de cette plante.
Autre constat chez les deux plantes saines : parmi les espèces de CMA les plus dominantes 4 sont particulièrement abondantes dans les racines de la lavande (Glomus macrocarpum, Funneliformis mosseae, et 2 espèces de Glomus non identifiées) et du lavandin (Glomus aggregatum, Rhizophagus intraradices, une espèce de Glomus et une espèce de Rhizophagus non identifiées) et ce dans les deux pratiques culturales biologique et conventionnelle. Les espèces de CMA ainsi sélectionnées par les plantes saines pourraient contribuer à améliorer la résistance des plantes contre les agents pathogènes. L’étude s’est donc poursuivie par la préparation d’un inoculum de CMA indigènes obtenu à partir de racines de plantes saines et utilisé sur des plants cultivés en pot et en plein champ. Les effets bénéfiques de l’inoculum sur la croissance, la nutrition et la résistance de ces 2 espèces végétales, lavande et lavandin, face au dépérissement lié au phytoplasme, sont en cours d’étude mais semblent prometteurs.
Un enjeu majeur pour toute une filière
Le degré d’innovation du projet Mycolav lui permet de bénéficier du soutien de l’Union européenne (fonds FEADER) et du Conseil Régional SUD Provence-Alpes-Côte d’Azur. Piloté par l’Université Européenne des Saveurs et des Senteurs de Forcalquier, ce projet, qui rassemble producteurs (CRIEPPAM), chercheurs (CNRS-LECA) et biologistes (Mycophyto), vise à trouver des solutions durables pour la filière, basées sur l’utilisation de techniques d'ingénierie écologique telle que la mycorhization contrôlée.
Retrouvez les derniers travaux publiés dans le journal scientifique international Scientific Reports.