Quand les cernes des arbres révèlent l’âge d’un des plus beaux joyaux naturels du Kazakhstan

Publié par Cécile Miramont, le 5 novembre 2024   120

Situé dans la chaîne de montagnes du Tien Shan (dans le parc national de Kolsai, classé réserve de biosphère par l’UNESCO), le lac Kaindy offre un paysage aussi mystérieux que spectaculaire. En effet, il est peuplé d’arbres «fantômes» : il s’agit de troncs d’épicéas (Picea schrenkiana) émergeant de ses eaux turquoise. Les arbres ont été engloutis lors de la formation du lac, quand un éboulement engendré par un tremblement de terre a barré la vallée.

Cette curiosité du Kazakhstan a toujours suscité l’intérêt des scientifiques et l’émerveillement des visiteurs. Jusqu’à présent, chercheurs et populations locales attribuaient la genèse de ce lac emblématique au tremblement de terre de 1911, responsable par ailleurs d’importants dégâts dans la région.

Une nouvelle étude, menée par des chercheurs de l’IMBE et du CEREGE (CNRS, Ubiversité d’Aix-Marseille, Aix en Provence), vient de remettre en question cette hypothèse en faisant parler ces arbres «fantômes» grâce à la dendrochronologie : cette méthode permet de remonter le temps, en analysant les cernes de croissance des arbres et ainsi, de dater les événements du passé. En comparant les cernes des arbres noyés dans le lac, avec ceux des arbres vivant sur les versants environnants, les chercheurs sont parvenus à dater la formation du lac Kaindy, peu après l’automne 1888. Le tremblement de terre de 1911 n’était donc pas le responsable, puisque le lac s’est formé 22 ans plus tôt.


En revanche, le 11 juillet 1889, le puissant séisme de Chilik, d’une magnitude 8.2, a secoué la région : l’âge des arbres submergés désigne ce très grand tremblement de terre comme le grand coupable de leur noyade. Ce séisme en produisant par un effet en cascade, une déstabilisation des versants et des glissements de terrain, a ainsi crée le lac Kaindy.
L’étude ne se limite pas à réviser l’histoire de ce paysage étonnant du Kazakhstan. Elle apporte également la confirmation que le lac Kaindy se trouve dans la zone épicentrale du séisme de 1889 et suggère que le relief tourmenté de la région serait bien lié à cet événement. En combinant des analyses dendrochronologiques avec des recherches paléosismologiques, ce travail novateur a permis d’améliorer la connaissance des risques sismiques de cette région frappée par plusieurs grands séismes depuis la fin du XIXe siècle. Il enrichit la connaissance du patrimoine naturel et contribue aux efforts de préservation d’un environnement unique, fragile et menacé.

La chaîne de montagnes du Tien Shan étant toujours active sismiquement, le scénario mis en évidence au Lac Kaindy pourrait se reproduire, mais cette fois-ci dans des zones fortement urbanisées. Les conséquences d’un tel séisme seraient alors susceptibles de produire les plus grandes pertes matérielles et humaines.


Référence : Miramont, C., Rizza, M., Guibal, F. et al. 2024. Tree rings reveal the correlation between the Kaindy Lake submerged forest and the historical 1889 M 8.2 Chilik earthquake (Kazakhstan). Natural Hazards (2024). https://doi.org/10.1007/s11069...