Pompei, la belle qui renait de ses cendres
Publié par Bastien Doras, le 18 avril 2022 1.4k
Profitant d’une rare semaine de vacances que nous nous sommes octroyée (c’était au cours du mois de novembre dernier), nous mettons le cap au sud-ouest afin de traverser l’Italie et atteindre Napoli, au parler chantant et vivifiant (puisque que la ville est soumise aux embruns de la mer…). Joignant l’utile à l’agréable, notre but est d’y visiter les ruines archéologiques qui s’étendent tout autour de Naples.
C’est une semaine grandiose qui nous attend, car si les Napolitains ont un accent particulier qui charme nos oreilles, le plaisir est surtout pour nos yeux. Lecteurs avides de faire parler les vieilles pierres, je vous conseille vivement la visite de ces ruines antiques, chargées d’histoires vénérables, et votre dépaysement y sera garanti. Nous, nous commençons notre périple par la visite de Pompéi.
Pompéi et les cataclysmes
C’est au 6e siècle avant J.-C. que fut fondée Pompéi. La ville bénéficiait d’un environnement naturel favorable. Les coteaux étaient abondamment plantés de vignes. La production de vin devint importante, de même l’activité textile. Grâce à la proximité de Pouzzoles et de son port, les pompéiens réalisaient de nombreux échanges commerciaux. Le vin était expédié à Rome, à Carthage ou en Gaule. Pompéi se développa jusqu’à compter 20.000 habitants. Mais, le 5 février 62 après J.-C., un tremblement de terre détruisit en partie la cité.
Les habitants ignoraient la nature volcanique du Vésuve. Ils ne s’alarmèrent nullement du tremblement de terre d’origine volcanique, ni du ” troupeau de 600 brebis tuées par des émanations de gaz toxiques “, décrit par Sénèque. Puis, le 24 août 79 après J.-C., le Vésuve entra dans une première éruption. Herculanum est ensevelie le jour même, Pompéi le lendemain. Pline le Jeune nous raconte, dans une lettre adressée à son ami Tacite, l’éruption du volcan : ” Tu me demandes de t’écrire la mort de mon oncle, afin que tu puisses la transmettre avec plus de vérité à tes descendants… Il était à Misène et dirigeait lui-même la flotte.
Le neuvième jour avant les calendes de septembre (le 24 août 79 après J.-C.), ma mère me montre vers la septième heure (environ 13 heures), un nuage qui lui apparaît d’une grandeur et d’un aspect inhabituels. Après son bain de soleil, après s’être rafraîchi, il avait pris une collation, allongé, et étudiait. Il réclama ses sandales, monta jusqu’au lieu d’où il pouvait observer au mieux ce phénomène. Un nuage montait (pour ceux qui l’observaient de loin, il était incertain de quelle montagne il venait : on sut par la suite qu’il provenait du Vésuve) ; et aucun autre arbre que le pin ne ressemblait davantage à son image et à son aspect. En effet, en s’élevant sous la forme d’un tronc très long, il s’élargissait dans les airs en rameaux, je crois, parce que, une fois emporté par un vent nouveau, ensuite abandonné par le vent qui s’affaiblissait, ou même vaincu par son propre poids, le nuage se dissipait en largeur, blanc de temps à autre, parfois sombre et sale, selon qu’il soulevait de la terre ou des cendres.
Puis l’oncle de Pline s’embarque à bord d’une quadrirème de sa flotte qui prend le large pour aller sauver de nombreuses personnes, dont son ami : Pompolinius. … Déjà les cendres tombaient sur les bateaux; plus ils approchaient, plus elles devenaient chaudes et denses ; déjà aussi c’étaient des pierres ponces et des cailloux noirs, carbonisés et brisés par le feu ; déjà le fond de la mer semblait se soulever et le rivage faisait obstacle par les éboulis de la montagne. Après avoir hésité un peu s’il reviendrait, il dît à son pilote qui l’avait engagé à faire ainsi : ” Courage ! le destin nous aide, dirige-toi vers la villa de Pomponianus ! ” Il était à Stabies, séparé de lui par la moitié du golfe… L’oncle de Pline, après avoir débarqué, retrouve Pompolinius, puis se repose. Pendant ce temps, des flammes très larges et de gros incendies luisaient en plusieurs endroits du mont Vésuve ; leur éclat et leur clarté étaient avivés par les ténèbres de la nuit.
Lui répétait pour calmer leur effroi que c’étaient des feux abandonnés dans la frayeur par des paysans et que c’étaient des fermes désertées qui brûlaient dans la solitude. Alors, il se livra au repos et se reposa assurément d’un sommeil profond. Mais la cour, d’où l’on accédait à son appartement, s’élevait, déjà recouverte par de la cendre mêlée à des pierres ponces, si bien que, si son somme s’allongeait dans sa chambre, il ne pourrait plus sortir. Une fois réveillé, il sortit et se rendit vers Pomponianus et d’autres qui étaient de garde. Ils délibèrent en commun s’ils devaient rester à l’abri des maisons ou aller à découvert ; les bâtiments vacillaient en effet sous les tremblements fréquents et importants et semblaient partir et revenir, tantôt de-ci, tantôt de-là, comme ébranlés de leurs fondations. En revanche, en plein air, on craignait la chute de pierres ponces, quoique légères et poreuses ; mais pourtant la comparaison des dangers les entraîna à quitter les lieux.
Les sauveteurs décident de rejoindre le rivage. Ils s’attachèrent des oreillers sur la tête avec des ceintures ; ce fut leur protection contre ce qui tombait. Déjà ailleurs c’était le jour, mais ici la nuit était plus noire et plus dense que toutes les nuits ; et pourtant de nombreuses torches et diverses lumières l’atténuaient. Ils décidèrent de se diriger vers le rivage et de regarder de près si la mer les accepterait déjà ; mais jusqu’à présent, elle restait grosse et contraire. Là, couché sur un drap étendu par terre, il (mon oncle) réclama à plusieurs reprises de l’eau froide et en puisa. Ensuite, des flammes et l’odeur de soufre, qui annonce les flammes, mirent les autres en fuite et le firent lever. S’appuyant sur deux petits esclaves, il se redressa et retomba aussitôt… L’oncle de Pline vient de trépasser.
Dès que le jour fut revenu (c’était le troisième depuis le début de l’éruption), on retrouva son corps intact, en parfait état, et couvert des habits dont il était habillé; la position de son corps ressemblait plus à quelqu’un qui se reposait qu’à un mort… ” * Nota : la lettre de Tacite ne nous dit rien sur la restauration de la ville, suite au tremblement de terre de 62 avant J.-C., lorsque se produisit l’éruption. On y constate par contre que de nombreux habitants méconnurent son danger réel.
Bilan de l’éruption du Vésuve
Pendant 4 jours, Pompéi a subi une pluie ininterrompue de cendres et de lapilli. Etouffés par les émanations de gaz toxiques, les habitants s’effondrèrent à terre. Les empreintes laissées par leurs corps dans le tuf constituent le témoignage le plus dramatique de la destruction de la ville. Il y eut au moins 2.000 morts. Terrorisés, les habitants ne savaient où aller. Ils succombèrent asphyxiés, écrasés par les roches ou étouffés dans la panique générale. Certains essayèrent de rejoindre la mer pour s’enfuir, mais près de 150 squelettes, découverts sur la côte, près d’Herculanum, témoignent de leurs espoirs inutiles. Ils ont été rejoints par les flots de cendres et de boue.
Sous plus de 6 mètres de cendres, les archéologues ont retrouvé les victimes recroquevillées, ou serrées les unes contre les autres. A contrario, on a trouvé aussi, dans le triclinium (salle à manger) de la maison du Ménandre, les squelettes de personnes, qui, à en juger par le trou creusé dans le mur, étaient venues récupérer des biens précieux (l’argenterie ?), sans doute entre 2 éruptions. Il s’agissait vraisemblablement des propriétaires eux-mêmes. Giuseppe Fiorelli, qui fut directeur des fouilles en 1860, réalisa le moulage des corps des victimes ensevelies. C’est ainsi que réapparurent à la lumière du jour les beautés de la ville antique.
Le Forum
C’était le centre de la ville, centre religieux (où s’élevaient les principaux temples comme celui de Jupiter, père de tous les dieux, d’Apollon et des Lares) et centre politique, dans la mesure où c’était là que s’exerçait la justice et que les institutions publiques municipales avaient leur siège. Enfin, c’était aussi le centre économique de la cité, l’endroit où s’effectuaient les tractations et les échanges commerciaux.
Les entrepôts de denrées alimentaires et, parfois, le siège des catégories de métiers les plus représentatifs y trouvaient également place. Le forum était un vaste domaine situé en un point central. Celui de Pompéi, qui compte une vaste aire rectangulaire dont le périmètre mesurait plus de 400 mètres (38 mètres sur 142 mètres), se trouve dans le quartier sud-ouest ; il est donc excentré par rapport au centre habité. Le choix de cette zone fut déterminé par des raisons contingentes comme la nécessité de trouver un terrain suffisamment grand et plat, chose particulièrement difficile à Pompéi en raison de son emplacement sur un étagement lavique fortement incliné vers la mer.
Le forum municipal se développa à une époque plus tardive que le forum triangulaire, plus ancien et plus central, bien que des édifices remontant à l’époque Samnite, tel le Temple d’Apollon, n’en manquent pas. La construction du forum municipal fut décidée à la suite de mutations socioéconomiques, d’un accroissement démographique et d’une expansion urbaine incessante qui entraînèrent de nouvelles nécessités, dont celles d’un nouvel espace public répondant davantage aux exigences de la population et à l’importance même de la ville. C’est ainsi que fut choisie cette zone qui, jusqu’au IIe siècle avant J.- C., avait été destinée au marché.
Le forum de Pompéi est donc situé au carrefour des principales rues de la ville et, en particulier, de celle de l’Abondance qui constituait le centre le plus important de cette cité romaine si prospère. Les vestiges de cet important centre d’agrégation sociale ne nous révèlent qu’en partie seulement la grandeur et la beauté d’autrefois. L’image que le forum donnait autrefois de lui était à coup sûr plus grandiose et monumentale : il suffit de penser que cet endroit était parcouru sur ses trois côtés par une longue et élégante colonnade, surmontée à son tour par une vaste galerie. Entre les colonnes étaient placées des statues de personnages illustres, ainsi que la tribune destinée à accueillir les orateurs.
Source : le magazine du Fouilleur