"Lost in translation" : optimisation des interactions entre l'Homme et la Machine
Publié par Marianne Jarry, le 16 juillet 2021 930
J’ai dans un article précédent expliqué comment je me suis retrouvée à effectuer une thèse. Je vais tenter dans cet article de vous expliquer dans quel contexte elle s’inscrit et quels sont mes objectifs de recherche et leurs applications.
Il faut d’abord savoir que les avancées technologiques et scientifiques récentes permettront très prochainement l’émergence d’intelligences artificielles (IA) performantes ouvrant le champ du développement de systèmes embarqués dans des véhicules civils et militaires. Ces IA offriront des avantages considérables, surpassant parfois l’humain (exemple : l’IA ne se fatigue pas). Les IA présentes dans les véhicules suppléent l’humain en prenant en charge une partie des tâches impliquées dans la conduite ou le pilotage. Cependant l’intervention humaine reste nécessaire. Par exemple en situation de conduite automobile, le système est capable d’adapter la vitesse du véhicule en fonction des limitations de vitesse en vigueur et des autres véhicules mais l’humain peut et doit pouvoir reprendre le contrôle de son véhicule à tout moment en cas de besoin ou d’urgence. La phase (transitoire) durant laquelle les véhicules pilotés ou conduits par des agents humains vont collaborer avec des véhicules pilotés ou conduits par des IA pose problème.
L’agent humain entre en interactions avec l’agent artificiel de différentes manières. Dans certaines situations l’humain et l’IA seront en interactions dans le même véhicule, dans d’autres les deux agents (humain et artificiel) seront en interactions mais pas dans le même véhicule. Les premiers cas sont les plus communs. Il est possible d’observer ce type d’interactions dans l’aviation professionnelle et de tourisme avec les systèmes de bords ou encore sur les routes avec des voitures comme celles du constructeur Tesla. Le deuxième type de situations mentionnées seront rencontrées de plus en plus à l’avenir. Il est possible d’imaginer une situation de vie dans laquelle vous êtes dans votre voiture sans IA et devant vous se trouve une voiture équipée d’une IA. Vous êtes sur le chemin de la maison. Soudain, le trafic ralentit, l’IA de la deuxième voiture anticipe le besoin d’un freinage et freine brusquement. Vous n’anticipez pas le besoin de freiner immédiatement. Vous freinez alors trop tard (le délai entre la prise de décision et l’action est entre 1 et 3 secondes chez l’humain) et c’est l’accident ! En plus d’illustrer mes derniers propos, cet exemple permet de rendre compte que, bien que certains véhicules soient équipés de capteurs et d’IA avec des algorithmes permettant d’anticiper, les résultats du calcul de l'IA et celui d'un humain peuvent être différents, puisque basés sur des algorithmes différents. Les calculs ne donnent pas le même résultat, c’est-à-dire, les décisions prises par l’humain et l’IA sont différentes.
Vous l’aurez compris à ce stade, l’IA et l’humain ne se comprennent pas. Il est alors nécessaire pour réaliser l’objectif d’amélioration de la collaboration entre les systèmes autonomes et l’humain que l’IA comprenne l’humain. En d’autres termes, l’objectif appliqué de ma thèse est de trouver un moyen pour dire à l’IA “Voilà comment fonctionne l’humain avec lequel tu interagis, avec ces renseignements adapte-toi.”. La solution que nous avons identifiée est d’intégrer les mécanismes cognitifs (différents moyens mis en place par le cerveau pour traiter toutes sortes d’informations, ex: visuelle, auditive) humains essentiels à la réalisation des tâches de pilotage ou de conduite. Ces tâches sont réalisées notamment grâce à un ensemble de mécanismes cognitifs qui permettent au cerveau de prévoir l’état futur d’une situation (ces mécanismes cognitifs génèrent des représentations de la dynamique évolutive d’une situation en cours), en un mot, l’anticipation. Ainsi, un autre objectif du projet de recherche est d’identifier les mécanismes humains de l’anticipation. Avec de telles connaissances il nous serait possible de modéliser la manière dont l’individu « prévoit » les évènements. Une telle modélisation facilitera l’implémentation, dans l'IA future, d’algorithmes d’anticipation plus proches et donc plus compatibles avec celui de l’humain. Les décisions de l’humain et de l’IA devraient alors converger. Enfin intelligence artificielle et humain se comprendront !